J’ai récrit ce texte pour le rendre plus lisible, mais je suis attachée à celui dactylographié, envoyé par un ami qui vit dans le village Servas.
Le village de Servas dans le temps
On soit que en 984, à cet endroit nommè alors SILVA, s'élevait une petite église romane dédiée à Saint Georges, dont il reste aujourd'hui l'abside, qu'elle dépendait de la chatellenie de Lent, autrefois petite cité fortifiée, et qu'elle fut incendiée en 1459, par les troupes du Duc de Bourbon, qui ravageaient alors le pays.
Plus tard le village prit le nom de SERVA, un nom qui s'explique puisqu'à ses pieds s'étendait le grand étang, “la granda sarva”, en patois sarva : mare.
Ce qu'était SERVAS, il y a deux ou trois cents ans, on peut l'imaginer, un hameau perdu dans la nature, sans voies de communication directes, même avec les villages voisins. “Le village de Servas se trouve a une distance de plus d'une heure du bourg de Lent, pendant tout l'hiver, les chemins se trouvent dans un très mauvais état, quelques uns sont impraticables, d'où il résulte souvent impossibilité de se rendre aux offices divins...”
Le premier document officiel, le plan cadastral, ordonné par Napoléon 1er et qui fut dressé à Servas en 1830 est éloquent. On dénombre huit maisons, en comptant l'église et le presbytère, de part et d'autre de la route de Bourg à Villars. La route actuelle, appelée “Chemin de Grande Communication numéro 4, qui allait de la Pape (Crépieux) à Monternoz ne fut terminée qu'en 1843. Quant à la transversale, dite “Traverse de Tossiat à Neuville”, elle ne fut créée qu'en 1865. Aussi le Maire d'alors pouvait-il écrire “... que ce pays abandonné jusqu'à ce jour a besoin de voir encourager tous les efforts qu'il a fait pour sortir de l'état de misère où il se trouve actuellement...”
Pourtant la Révolution était passée, depuis quarante ans, mais la population vivait toujours disséminée dans la campagne, tirant sa seule subsistance du travail ingrat de la terre. Parmi les rares habitants du village, non cultivateurs, il y avait alors deux “cabaretiers”, l'un face à l'église, Pierre Perret, l'autre au Nord de l'édifice, où l'on peut encore voir sur une face de la maison (Laurent) une inscription à peine lisible “A l'arrivée des Voyageurs”, Joseph
Il y avait aussi un tisserand, Jean Baptiste VITTE, qui devint par la suite épicier et adjoignit plus tard un débit de tabac à son commerce. Au sud du village, un charron, Claude FAYNAL. Quant au soi-disant relais de poste, établi de part et d'autre de la chaussée, l'hôtellerie (Maison Lesage) et les écuries (Maison Bozonnet) il ne figure pas encore sur le plan de 1830, a-t-il jamais existé?
L'église, elle, existait bien, mais en piteuse état. Le petit campanile en bois où se trouvait le clocher n'était pas assez solide pour permettre de sonner les cloches à la volée. Il fallut attendre 1865 pour que l'église soit agrandie (tous les fidèles n'y trouvaient pas place) et sur la partie nouvelle on construisit un clocher. Il en couta 10 500 francs, moins une subvention de 1 000 francs du Ministère des cultes et une imposition supplémentaire de 25 centimes (pour cent) pendant 12 ans. Avant toute imposition nouvelle, on consultait les plus gros contribuables de la commune.
En 1850, on décida de bâtir une école. Ce n'était pas sans besoin. Les gens étaient presque tous illétrés. Sur chaque acte d'état civil de l'époque, figure la mention “interpellé de le faire, a déclaré ne pas savoir signer”. La “maison d'école” fut construite sur un terrain appartenant à Monsieur MARTIN, maire, bordé à l'ouest par la route et au sud par une terre et le jardin du sieur Poncety. La construction revint à 5 448 francs, moins un secours de 900 francs du Ministère de l'instruction Publique. C'était le premier batiment public laique du village. Dans le logement de l'instituteur, à l'étage, une pièce servait aussi de mairie, jusqu'alors le Conseil Municipal se réunissait au domicile du Maire.
La population avait augmenté, mais l'existence y était toujours précaire. On passait de vie à trépas pour un oui, pour un non. Les femmes mourraient en couches, les enfants en bas âge, les hommes d'un “chaud et froid” et le paludisme sévissait comme partout en Dombes. Bref, le cimetière était devenu trop petit. Monsieur MARTIN, encore lui, céda à la commune pour 200 francs, une parcelle de terre de 15 ares au Nord-Est de la maison d'école pour y établir un nouveau cimetière, en se réservant six places à perpétuité pour lui et sa famille. La translation eut lieu le 27 septembre 1854. Ce jour là, une jeune femme de 27 ans, Marie Angélique FONTAINE, y dormit de son dernier sommeil.
En 1867, la Compagnie des Dombes construisit une voie de chemin de fer de Lyon à Bourg, qui allait peu à peu ouvrir le pays au progrès, et en permettant le transport des engrais, aider au développement de l'agriculture, l'accès plus facile à la ville de Bourg et à son marché. Ce train, nos voisins de Lent, forts de leur millier d'habitants, l'auraient bien voulu, intervenant par des suppliques auprès du Préfet et même de l'empereur Napoléon III, mais pour une voie ferrée, la ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre. En guise de consolation on donna à la gare le nom de SERVAS-LENT.
Après l'église en 1875, il fallut reconstruire le presbytère, est on décida de fermer par des murs le jardin du curé qui bordait la route et occupait la place actuelle du village. Devant le manque de ressources de la “fabrique” (c'était le nom du comité paroissial de l'époque), la commune vota une imposition extraordinaire de 20 centimes (pour cent) pendant 10 ans sur les quatre taxes. Il en couta à la collectivité 8 233 francs.
C'était le temps des gros investissements. La maison école construite vingt ans plus tôt “menaçait ruine”. En 1887 fut construit en appentis au batiment primitif une nouvelle salle de classe, tandis que l'ancien local devint le siège de la commune, (il devait le rester jusqu'en 1960) l'instituteur étant aussi secretaire de mairie. Quelques années plus tard, on pensa à y adjoindre un préau.
Peu à peu l'agglomération s'étoffait. Déjà, en 1862, Monsieur MARTIN, maire, avait présenté aux Ponts et Chaussées une demande d'alignement sur la “route impériale 83” pour la construction d'un “batiment servant de four à cuire le pain”, après démolition de l'ancien local qui empiétait largement sur la chaussée. C'était l'ancêtre de la boulangerie actuelle.
Des maisons neuves s'élevèrent de part et d'autre de la route. De nouvelles professions apparurent, un maréchal ferrant, un sabotier, même un fabricant de chaises. Vers la fin des années mil huit cent, le village avait à peu près le visage qu'on lui a connu il y a quelques décades. Dernière construction communale, en 1899, le poids public, établi à l'angle de la route nationale et la route de Lent, La Bascule, comme on l'appelait.
Ce nom, c'était tout un symbole. On allait basculer dans un nouveau siècle, qui verrait tant de bouleversements. Un siècle où la pauvre SARVA d'autrefois, allait enfin prendre sur le destin une éclatante revanche.
Mais ça, c'est une autre histoire...
G. BAILLET